Les mots des autres


Ceux de Fabienne BERNARD, Psycho-socioloque, Documentariste
« Le travail de Magali BERDAGUER se déploie comme un fil d’Ariane, mobile et vibrant, en quête de repères pour une lecture de la complexité de l’existence. Sans doute sans jamais les trouver vraiment dans le chaos du monde.
Artiste en quête permanente, son œuvre se déploie entre son regard de plasticienne, aiguisé et sensible, son filtre exercé d’art-thérapeute qui analyse ce qui fait sens et qui se dissimule au cœur des êtres et la danse contemporaine qui la conduit à vivre le mouvement à travers son corps.
Eblouie par les gestes du vivant, ses œuvres évoquent le fil du lien tissé entre ses 3 postures.
L’émotion qu’elle propose s’incarne dans les mains, les pieds ou les visages, en chuchotant, en suggérant, en douceur car c’est ainsi qu’elle appréhende ce qui l’entoure. La page reste fragment, inachevée, comme un souffle ou une proposition que le spectateur pourrait compléter car rien ne s’immobilise jamais, que tout est en mouvement et se réécrit au présent. Même s’ils ne sont qu’esquissés, les échos sont subtils et puissants. On les goûte vraiment en restant immobile et silencieux, à se laisser absorber par les contours des gestes évoqués.
Le travail de Magali interroge aussi le fil du lien avec les autres. De celui qu’on cherche ou que l’on fuit parfois. Elle nous invite à des marches inexorables et silencieuses, à des confidences chuchotées, dessine un pont fragile entre la douleur de la solitude et la difficulté de l’altérité. Un aller-retour permanent entre ces deux extrêmes en passant par toutes les nuances et les figures possibles, questionnant le geste comme la base de toute question métaphysique.
En jouant sur les différents fils qui se tissent, elle interroge la nature de la relation à l’autre : si mon corps s’appuie sur le tien, qu’est-ce que cela signifie pour toi ? De son vécu, lorsque les corps se taisent, tout est rendu obscur. Elle se raconte alors en les faisant parler, en nous demandant qui nous sommes, comment nous existons avec l’autre, en effleurant l’impalpable question de la limite entre soi et l’autre. Avec le corps comme révélateur, comme proposition inachevée du vivant en mouvement perpétuel. »

Ceux d’Anouk KERBRAT, texte critique pour l’exposition Cent_titre(s), 2021
Artiste autodidacte, Magali Berdaguer dessine avec le fil de fer. Elle travaille la question des matériaux et du volume, dans un univers intimiste où le détail et la singularité sont maîtres mots.
En s’initiant d’abord à la peinture, c’est la sculpture en fil de fer qui devient le domaine de prédilection de l’artiste. Elle explore, elle anime, elle tisse le fil de fer au mur d’abord, puis au sol : elle est libre de sculpter l’air. Son art est à la fois un dessin et une sculpture. Le dessin dans l’espace, le travail de densité de la matière, qui d’ailleurs rejoint la peinture par les jeux d’ombres et de lumières. Jeux qui animent aussi bien ses toiles que ses sculptures. Dans ses oeuvres, les corps s’entremêlent, laissent le spectateur contempler ce qui est et ce qui n’est pas. L’incessante création déliée par la diversité dans le travail du fil de fer fait œuvre de liberté pour l’artiste et son public.
Les Chuchoteurs racontent le tissage d’une matière simple qui se transforme en liens. Le lien créé par ce chuchotement entre les deux êtres ; le lien de ces corps qui se fondent et se confondent ; le lien du spectateur face à l’oeuvre ; le lien entre le plein et le vide. Il s’agit d’un travail intimiste où l’artiste s’interroge sur l’individualité, sur le détail : les chuchoteurs chuchotent ce que le spectateur se chuchote à lui-même. Pour autant, le fil de fer brouille la vision, il vibre et vit. Malgré la légèreté induite, ce médium jouit d’une complexité qui donne tout son sens au travail plastique effectué par l’artiste. La présentation de l’œuvre sur un miroir approfondit d’autant plus sa mise en abime et questionne la notion du volume.